L’architecte français Jean Nouvel, pressenti pour la transformation du Musée d’Art et d’Histoire de Genève, vient de remporter le prix Nobel de l’architecture, le prix Prizker. Créateur au génie indéniable, l’architecte restera à la postérité pour ses grands projets que sont les immeubles Nemausus de Nîmes, l’Institut du Monde arabe et le Musée du quai Branly à Paris, le KKL de Lucerne, le tour Agbar à Barcelone, le Louvre à Abu Dhabi.
Mais qui citera au nombre de ses chefs d’oeuvre l’Opéra de Lyon? La transformation menée dans ce cas, outre qu’elle priva le bâtiment ancien de sa substance d’origine et qu’elle dérangea son organisation statique, n’arrache généralement pas au spectateur des cris d’extase. A l’intérieur la pratique des passerelles de caillebotis noires sur fond noir inspire le vertige aux spectateurs des galeries supérieures et les limites de la carcasse Beaux-arts imposent leur étroitesse au nouvel espace surélevé. De dehors la nuit la voûte illuminée signale au loin la présence du bâtiment transformé et lui confère son surnom de grille-pain. Là réside peut-être désormais la principale qualité de l’Opéra de Lyon!
Pourquoi donc s’obstiner à confier à Nouvel la tâche, somme toute ingrate, de remanier un bâtiment Beaux-Arts, dont plusieurs observateurs avertis vantent les mérites intrinsèques? Confiner le démiurge dans l’espace d’une cour intérieure dont il débordera de toutes parts ne satisfera pas plus aux exigences de la sauvegarde qu’à celles de la création. Nouvel, désormais nobelisé de l’architecture, mérite mieux qu’un patio pour exprimer son talent à Genève. Trouvons-lui un terrain où il puisse donner libre cours à son génie et laissons par là-même au bâtiment de Camoletti une chance de survie paisible.