La bataille qui fait rage autour de l’avenir du Musée d’Art et d’Histoire et qui voit se dresser de toutes parts des champions pour son sauvetage est le reflet d’un profond désarroi culturel autour de l’architecture et de ce qu’on peut plus largement appeler le cadre bâti. Genève subit une pression économique extrême, comme dans l’immédiat après-guerre qui a vu disparaître tous les beaux immeubles néo-classiques qui bordaient la petite rade, remplacé par des établissements bancaires. Sous prétexte de bâtir du logement (mais quels logements, combien sont vides ? pour quels portefeuilles ?), il n’est plus de domaine qui ne soit morcelé, de bosquets d’arbres qui ne soient abattus, de dégagements d’immeubles ou de cours qui ne soient construits. La question se pose officiellement en termes de m2 de planchers à gagner, officieusement en termes d’espèces sonnantes et trébuchantes surtout, le prix du m2 d’un sol à rentabiliser excessivement.
http://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/petite-foret-disparait-malagnou/story/25880373
Récemment à l’angle route de Malagnou, une des pénétrantes en ville de Genève, autrefois bordée de remarquables domaines, dont subsistent quelque promenade à chiens …, et du chemin de l’Amandolier, la tronçonneuse a sacrifié une véritable petite forêt sur laquelle vont prendre place des immeubles. Sans que personne ne s’en plaigne disait un laconique compte-rendu de la Tribune de Genève. Mais que tout le monde cependant autour de moi, j’en atteste, regrette vivement. Quoi qu’en disent les désinformateurs de tout poil, la population genevoise est très sensible à ces changements qui durcissent et péjorent le cadre de vie. « Construire la ville en ville », comme tous les autres slogans, aussi péremptoires que discutables, dont se gargarisent les milieux affairistes, c’est perdre de la verdure, des zones informelles et libres, un espoir de friche où la nature pourrait reprendre des droits ; c’est aussi perdre du soleil, si chèrement gagné par les théoriciens hygiénistes de la ville au XIXe siècle. Dans son ouvrage intitulé Persépolis ou essai sur l’amélioration de la ville de Genève (1873), le Dr Antoine Baumgartner ne travailla-t-il pas à dénoyauter et aérer la ville qu’on s’ingénie aujourd’hui à « renoyauter » et à surélever ? A l’heure où les étés caniculaires se répètent, est-il raisonnable de sacrifier sur l’autel d’une promotion immobilière tous azimuts ces poumons de verdure urbains dont Genève a la chance d’avoir hérité d’un passé bienheureux et que les métropoles internationales prises dans leurs étaux minéraux et bétonnés s’efforcent d’inventer en végétalisant les façades et les toitures des immeubles pour faire tomber le mercure de quelques degrés ?
Comment se fait-il que le Conseiller d’Etat issu des Verts à la tête du DALE n’intègre pas dans sa politique urbaine les données environnementales qui gagnent toutes les villes européennes et mondiales ? Les troupes affectées à l’urbanisme continuent de dépecer sans états d’âme un précieux territoire à qui mieux mieux. La culture du cadre bâti passe par la reconnaissance des valeurs de l’existant par rapport au nouveau, spécifiques à chaque lieu (Genève n’est pas New York), et par l’analyse fine du rapport complexe entre nature et architecture, vides et pleins, ombres et lumière.
Excellent
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