Cointrin a vu changer son caractère champêtre au moment de l’implantation d’un « champ d’aviation » décidé en 1919. Du champ on passa vite à une piste en béton, qui n’a cessé de s’agrandir, puis à des bâtiments de hangars et d’aérogare proprement dits. De l’ancien village de Cointrin il ne reste aujourd’hui que des traces ténues que la phase exploratoire d’un nouveau Recensement architectural du Canton de Genève pour la commune de Meyrin se charge de relever. C’est à l’Ouest de l’avenue Louis Casaï (l’Est est en cours de démolition!) qu’il faut partir en exploration pour découvrir des chemins insoupçonnés, des havres de verdures …
Le périmètre, situé au droit de la cité des Avanchets, se cache derrière les rideaux d’immeubles situés le long de l’avenue Louis Casaï. Le lieu-dit « Avanchet » garde le souvenir des friches sur lesquelles seul poussait l' »avan », soit l’osier en ancien français, nous explique le site consacré aux noms géographiques du Canton de Genève http://ge.ch/noms-geographiques/voie/geneve/chemin-de-l-avanchet. Un nant de l’Avanchet, aujourd’hui presque totalement canalisé et enterré, coulait entre le Grand-Saconnex et le Rhône.
Légèrement ondoyant, ce chemin bordé de villas et de chalets, amoureusement tenus par leurs occupants, sert malheureusement de voie de délestement, comme ceux de beaucoup d’autres zones de villas à Genève pour des automobilistes peu soucieux d’en respecter la limitation de vitesse. Si les habitations sont pour la plupart sans prétention, certains jardins sont paradisiaques et l’entier du chemin constitue au titre d’un patrimoine paysager quelque chose d’exceptionnel, un locus amoenus, qui contraste avec les densités exprimées dans la Cité des Avanchets, située à l’arrière des parcelles des numéros pairs. Ce chemin et son quartier demeurent le lieu de la promenade dominicale des riverains moins heureusement lotis (comme ceux des Avanchets justement) qui, à un jet de pierre de chez eux, peuvent venir se récréer, profiter du chant des oiseaux et du spectacle des jardins. L’an dernier un article de la Tribune de Genève signé Xavier Lafargue et intitulé Un improbable coin de paradis à l’ombre des Avanchets http://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/balade/story/15095070 avait déjà relevé le charme de ce secteur, ce que le travail effectué par les recenseurs de Meyrin ne fait que confirmer.
Villa construite par Aubry arch., 5 ch. de l’Avanchet (1947)
Dans le secteur compris entre l’avenue Louis Casaï, le chemin de l’Avanchet, le chemin des Ailes et du Ruisseau, secteur qui s’est développé particulièrement entre 1950 et 1960, on reconnaît le travail de plusieurs architectes connus, comme le Meyrinois Virginio Malnati (11-13 Avanchet, 16 de Joinville et la remarquable école primaire au 39 ch. du Ruisseau de 1957), René Schwertz et Jean Schürch (22, Avanchet), de Mirbach (27, Avanchet, 21 à 25 de Joinville), H.-G. Lesemann (18, de Joinville), Alfred Damay (14, Ruisseau), ainsi que quelques villas et chalets de J. Spring ou de Pierre Perrin.
Villa construite par J. Spring, 6 ch.de l’Avanchet (1956)
Chalet construit par Pierre Perrin, 14 ch. De-Joinville (1960)
Situé plus au Nord, le complexe des Ailes, conçu par l’Atelier d’Architectes (François Maurice, Jean-Pierre Dom et Jean Duret) en étroite relation avec l’activité aéroportuaire, constitue un jalon important de l’avènement de la loi Dupont à Genève. Des villas contiguës, obéissant à deux typologies différentes, constituent un ensemble avec l’immeuble des Ailes, qui a fait l’objet d’un « refurbishment » récent, et la piscine des Ailes, qui était la première piscine publique de Genève. Les villas semblent menacées et plusieurs propriétaires auraient déjà vendu leur bien à des promoteurs qui, il n’y a pas de petits profits, les louent jusqu’à fin 2016! Pourtant ces maisons, bien conservées pour la plupart, sises dans une belle parcelle de plus de 1000 m., s’inscrivent dans la modernité architecturale suisse des années 1950′. Surmontées d’un toit plat légèrement incliné elles marient le béton au bois, disposent leur cuisine américaine à côté du séjour, et leurs chambres en demi-niveau ou à l’étage. Ce serait une perte sèche pour le patrimoine genevois de voir disparaître ces seize villas au profit de planchers administratifs (dont Genève ne sait plus trop que faire). L’ensemble complet des Ailes (immeuble, villas et piscine) mérite d’être classé et protégé pour son intérêt local et national.
Une villa des Ailes construite par l’Atelier d’Architectes (1955)
Longtemps diabolisées par les architectes eux-mêmes, les zones villas sont pourtant, dans des villes qui se densifient, des poumons de verdure, des respirations dans le ville, où paradoxalement le régime de la propriété privée rejoint celui de l’intérêt public. N’est-il pas venu le temps de comprendre la chance que représentent ces zones pour Genève en termes de développement durable? A l’heure où les métropoles, pour des raisons liées au changement climatique, projettent des plans de végétalisation, Genève, possède jusqu’en pleine ville des zones de villas cohérentes, qui constituent un agrément pour tout le voisinage. Aujourd’hui on pourrait s’éviter le processus systématique et grossier de la table rase sous quelque prétexte que ce soit. Mais pour ce faire il faudrait préalablement que l’Etat reprenne un vrai pouvoir décisionnel et raisonné dans l’aménagement de son territoire et cesse de le brader à des privés dont le principal intérêt est de faire affaire.
Chère Historienne,
Merci de votre blog qui réchauffe le cœur de ceux qui défendent des zones villas menacées.
Les habitants des Avanchets sont les premiers défenseurs de ces terrains bâtis, qui leur donne une qualité de vue et de promenade verdoyante.
Il est important de laisser des traces de l’histoire architecturale, aussi, des petites gens de la classe moyenne.
Au plaisir de vous lire
Elisabeth Jobin-Sanglard, présidente de la Fédération réunissant les associations de quartier du Grand-Saconnex
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Les témoignages de riverains me parviennent sur mon mail privé et j’en retransmets un ici de manière anonyme, afin de protéger son auteur : « Merci d’avoir, sans le savoir, publié la photo de la maison que j’occupe sur votre blog […] je suis, en effet, de ceux qui ont un bail de location jusqu’à début 2017 suite à l’achat de cette villa par le promoteur intéressé à construire dans tout le quartier. Il est clair que si, par bonheur, ce quartier devait être, un jour, classé et protégé, cela ferait mon bonheur mais je ne me fais pas d’illusion. Quoi qu’il en soit, merci encore pour cet article fort intéressant. »
L’argument social, que relève Madame Jobin-Sanglard, importe en effet autant que l’argument patrimonial. S’agissant du secteur de Cointrin, le prix de revient des villas des Ailes ne devait par exemple pas dépasser 50.000 frs, tout compris, selon les statuts de la Société coopératives des Ailes. C’était ce qu’on pouvait appeler des villas économiques, à l’instar de beaucoup d’autres maisons construites dans le quartier.
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