Le façadisme est de retour

Dans les années 1980 on pensait avoir tout dit sur le phénomène qui consiste à vider un bâtiment de sa structure d’origine et à n’en conserver que la façade, pour reconstruire derrière ce décor une structure moderne adaptée aux lois du marché et aux exigences de la modernité. Les amateurs de patrimoine et historiens de l’art de tous pays s’étaient indignés d’une pratique qualifiée de façadisme, pire même de façadomie (voir à ce propos certains textes de François Loyer, historien de l’architecture français). Le réfection de l’immeuble 5 rue de la Corraterie pour le compte de l’UBS (1986-1992) semblait avoir à Genève sonné le glas de ce type d’intervention.

A Genève cependant, à la faveur des responsables qui se succèdent, la mémoire patrimoniale a toujours été courte. Ainsi l’interminable chantier de refaçonnage de la Gare Cornavin remet en scène de façon grandiloquente le façadisme sans qu’on puisse bien s’en expliquer les raisons.

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Construite sur le projet primé mais très disputé de Julien Flegenheimer, la Gare Cornavin n’a pas eu que des adeptes depuis les années 1930′. Un projet dans lequel une forme de passéisme le disputait à la modernité. Mais un classement partiel du bâtiment survenu dans les années 80′ ouvre la porte à des pratiques qu’on ne peut en aucun cas assimiler à quelque entreprise de sauvegarde que ce soit.

Que sur leur site (http://www.cff.ch/groupe/entreprise/projets/immobilien/geneve-cornavin.html) les CFF parlent de « respect du patrimoine de la gare Cornavin », tout en précisant que la « deuxième phase comprend le maintien de la façade historique et la démolition puis la reconstruction du bâtiment intérieur«  montre le grand écart entre la théorie  patrimoniale et des pratiques abusives qu’aucun argumentaire ne saura réconcilier. Le classement partiel de la gare Cornavin aurait induit cette opération chirurgicale, constate-t-on avec dépit du côté de la Direction du patrimoine. La gare valait en effet autant par ses intérieurs, ses circulations, son buffet démantelé et vendu par pièces à l’encan aux amateurs de mobilier et de vaisselle ancienne …

PS: D’autres bâtiments entre quai des Bergues et quartier de St-Gervais subissent en ce moment le même sort dans une surprenante indifférence.

 

3 réflexions sur « Le façadisme est de retour »

  1. Bien d’accord avec vous, chère Leïla, en repensant également au tristement fameux empaillage de la maison Bonnet.

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  2. merci pour ce mot façadisme qui reflète la réalité de nombreuses maisons qui font partie du patrimoine et qui sous mes yeux d’enfants ont été vidées de leurs entièreté ce qui n’a pas et de très loin mais alors pas du tout arrangé mes contacts avec les élus socialistes que je connais évidemment
    En l’occurence ceux qui ont acheté souvent pour une bouchée de pain sont d’anciens polytechniciens qui ont malgré un âge avancé entrepris des travaux d’Hercule ,leur envie d’utiliser les nouveaux matériaux a sans doute aussi été prétextes à ces changements révolutionnaires il faut bien l’avouer.Mais le choc fut énorme toutes les pierres sorties une à une transformèrent une arrière court en jardin de Mésopotamie.
    Tout le village devint peu à peu à peu zone sinistrée et Zurich nomme notre localité le foutoir a juste titre d’ailleurs.
    Comme si le fait d’avoir touché à ce qui restait encore du passé pour permettre aux plus anciens de conserver quelques repères devait être balayer,c’est triste mais admettons tout de même que la vétusté des imeubles datant du temps de Marat voire plus ont malgré tout réservé des surprises ,et pas forcément des réjouissantes pour les nouveaux propriétaires,c’est qu’ici on ne touche pas à notre passé sans qu’il y ait des retours de manivelles monétaires surtout!

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  3. J’ai essayé de sauver ce mois ci une magnifique ferme fin 19 èm à Echallens en sollicitant la section vaudoise du Patrimoine Suisse et j’ai été sèchement remise à l’ordre.
    Un bâtiment typiquement vaudois avec un grange à pont extrêmement rare dans la région, va être prochainement démolie pour être remplacée par un immeuble et un parking. Elle est située en bordure de l’agglomération et a échappée au classement pour des raisons étranges …malgré les recommandations du Conseil d’Etat.
    Que laisserons nous à nos enfants, de leur histoire ?

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