La carrière des universitaires est semée d’embûches. La recherche de fonds pour financer une publication n’est pas des moindres. La travail à soutenir peut être puissant, avoir coûté des années de recherches difficiles, valoriser des idéaux justes, éclairer l’oeuvre d’un homme aux intuitions prémonitoires … les réponses tombent les unes après les autres … N E G A T I V E S. Cet ouvrage ne s’inscrit pas dans les manifestations Rousseau, auxquelles on consacre tant de moyens pour tout et n’importe quoi, ni dans la célébration d’aucun autre anniversaire du reste … Il y a onze mois que ça dure et il serait plus que temps que cela cesse.
Hassan Fathy dans son temps est l’objet qui a coûté de si longues et difficiles recherches, effectuées pour l’essentiel dans les archives de l’Université américaine du Caire, sur un magnifique fonds trilingue, qui n’était alors que très partiellement classé. Plusieurs chercheurs, dont votre servante, s’y sont cassé les dents, ont cherché à en extraire la substantifique moëlle; le résultat est vraiment novateur. Le bouquin doit faire 400 pages (300 illustrations pour la plupart inédites), mais pratiquement toutes les instances approchées à ce jour pour aider au financement ont inélégamment décliné. Et nous n’avons point de Presses Universitaires.
La richissime Fondation Wilsdorf (qui va bientôt inaugurer une passerelle, qui se fait aussi grosse qu’un pont, à sa gloire) a renvoyé de la main de Monsieur Pierre Mottu un niet sonnant et trébuchant, sans motivation, trois jours seulement après l’envoi de l’épais manuscrit complet. L’Unesco, qui prétend défendre le village de Nouveau Gourna et accessoirement l’oeuvre de Hassan Fathy, organise des comités scientifiques de grand prestige, mais ne peut, même en raclant ses fonds de tiroirs, rassembler le moindre dollar. Holcim, qui se dédouane de tout le béton qu’elle déverse de par le monde en jouant la carte environnementale, ne finance que des projets environnementaux (mais pas une publication où il est largement fait état d’environnement et d’architecture durable). Le PourCent Migros et Pro Helvetia boudent pareillement un ouvrage confectionné en Suisse et qui est le fruit d’une majorité d’universitaires suisses, parce que le sujet n’est pas helvétique. La Fondation Aga Khan dont Hassan Fathy est l’icône n’entre en matière que pour quelques clopinettes (comme on dit vulgairement), alors que toute la philosophie du Grand Prix Aga Khan d’Architecture découle du travail du maître égyptien. La Fondation Leenards est aux abonnés absents.
Pas plus de soutien du côté du monde arabe. L’Egypte est exsangue, même si certains de ses businessmen ont des bourses encore replètes. Mais aucun n’a d’argent à mettre dans une telle affaire. Le projet Sawiris du Gotthard ne soutient que ce qui concerne l’environnement dans la région d’Andermatt. Le propriétaire des cinq étoiles de Siwa, qui aime tant Hassan Fathy, n’a pas d’argent pour ça. Tout ce que notre belle Helvétie compte de représentants, ambassadeurs, plénipotentiaires égyptiens a été contacté, averti, prévenu: en vain! La Cheikha Hussa al Sabbah du Koweït a promis, puis oublié. Le Qatar, pour qui le devis à 6 chiffres serait une peccadille, garde le silence. On me renvoie à Alecso.
Je cherche 100.000 frs pour un livre qui fera date et qui sera magnifique, pour un travail universitaire sérieux, mais extrêmement lisible, pour un ouvrage qui replace l’oeuvre d’un homme dans son contexte égyptien et mondial, pour une recherche globale sur un champion du patrimoine mondial, qui n’occupe sur les rayons de bibliothèque que trente centimètres linéaires alors que Le Corbusier se déverse sur plusieurs mètres … Je cherche 100.000 frs pour rétablir un peu de justice dans le monde scientifique.