Hier soir, dans les Salons de l’Hôtel Métropole, l’architecte-plasticien Daniel Grataloup célébrait l’acquisition par le MoMA de quelques 150 dessins et planches et 6 grandes maquettes. C’est une partie importante de l’oeuvre graphique et plastique du créateur français, installé à Genève dès 1966, qui part à New York et nous échappe. Pour quiconque a eu la chance de visiter l’atelier Grataloup de l’avenue Ernest Pictet, la chose est à la fois triste (pour Genève) et réjouissante.
Daniel Grataloup est connu pour avoir conçu le temple St-Jean de La Chaux-de-Fonds (1969-1972), un temple de plan ellipsoïdal aujourd’hui classé, plusieurs maisons privées et appartements (trois sur le Canton de Genève) et plus récemment des complexes touristiques pour l’Algérie. Le nombre des projets est infiniment plus important. Cependant la chappe du conformisme, la conduite dictée par les courants architecturaux dominants et l’étau de l’arsenal législatif diligentant la construction n’ont pas ouvert une voie royale à la mise en pratique de solutions si originales.
Temple Saint-Jean de La Chaux-de-Fonds
Les quelques bâtiments blancs en béton projeté sur armature métallique et polystyrène expansé, comme la remarquable maison d’Anières, ne passent pas inaperçus. Les formes et volumes adoucis des oeuvres architecturales de Grataloup se signalent dans un environnement moyen, pour ne pas dire médiocre, de lignes et angles droits et de solutions toutes faites. Si dans la Nature on ne trouve pas d’angles et si « l’architecture doit être l’enveloppe d’un vide habitable », point de place pour des boîtes ou des machines à habiter, mais des coquilles d’escargot organiques. La poétique plastique traduit un profond désir d’émancipation artistique, mais les contingences pratiques ne sont pas pour autant laissées pour compte. Grataloup cherche en effet à produire des environnements fonctionnels et adaptés aux usagers qui vont les occuper.
Maison d’Anières
Daniel Grataloup, tout comme Pascal Häusermann, Jacques Couëlle, Anti Lovag, Jean-Louis Chanéac, les acteurs du GIAP (Groupement international d’architecture prospective) créé en 1965 par Michel Ragon, sont des plasticiens et des architectes dont on (re)découvre aujourd’hui l’importance et qui font l’objet de nouvelles études. Dans ce contexte on se plait à penser que l’appartement que s’est aménagé Daniel Grataloup pour lui-même dans un immeuble moderne du quartier de Florissant pourrait être classé. Grotte lumineuse meublée de meubles incorporés aux parois incurvées de polystyrène, cette sorte de caverne d’Ali Baba enrichie de nombreux détails artistiques et décoratifs, est une oeuvre d’art totale d’exception.
Intérieur de l’appartement de Grataloup (L. Roussy)
Cette soirée somptueuse offerte par Daniel Grataloup est mémorable. Architecte renommé, il est aussi un urbaniste novateur et un artiste hors pair. Ses constructions d’apparence surréaliste présentent des formes et des courbes sculpturales qui rappellent un peu le premier habitat.
Daniel Grataloup a su prendre en compte les exigences de l’humanisme en intégrant tous les systèmes sémiologiques non réductibles à la seule rationalité, ce en questionnant incessamment la relation de l’homme avec le monde. Quand science, technologie et art font ménage et réinvente la vie!
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