La récente prise de position de Patrimoine Suisse sur Facebook (http://www.patrimoinesuisse.ch/index.php?id=964&L=1&tx_ttnews[tt_news]=1227&cHash=dda631b03474441f589d38724ddc9b5d) n’est qu’une marque de plus de la dérive qui s’est emparée de la défense de patrimoine au niveau faîtier de Patrimoine Suisse (l’ancien Heimatschutz, qui a renoncé à son nom, certes un peu difficile, en même temps qu’à ses convictions il y a de cela quelques années). Cette dérive se répercute bien évidemment dans les sections cantonales de plus en plus noyautées par des architectes de toute espèce, dont le but premier est de défendre l’exercice de leur profession sur le dos du patrimoine dont ils font des choux et des pâtés. Le temps est-il venu de créer une nouvelle vraie association de sauvegarde de patrimoine helvétique, digne de ce nom et représentative d’un intérêt véritable et désintéressé pour le patrimoine architectural et urbain dans une perspective de développement durable?
Patrimoine Suisse promeut dans une publication Facebook du 12 janvier 2012 cet exemple zurichois, dont il est dit très exactement ceci en légende: « Cet immeuble d’habitation complète le tissu urbain en s’implantant sur une minuscule parcelle libre et en s’accolant contre un bâtiment existant. Les quatre appartements s’étendent sur l’ancien et le nouveau bâti. Immeuble d’habitation Zurlindenstrasse, Zurich, 2004-2006, Huggenberger Fries Architectes (photo B. Bühler) » Un tel exemple est précisément ce que l’on aurait qualifié de mauvaise intégration dans les journaux des années 1960′ ou 1970′. Cet immeuble, sur les qualités intrinsèques duquel je ne me prononce pas, est une construction qui ne fait aucun effort de consensualité. Par son gabarit, sa morphologie (le rapport des pleins et des vides, l’effet de loggias d’angle), sa couleur (ce gris foncé qui demeure la marque de l’architecture contemporaine même si nous sommes passés au XXIe siècle), il se distingue délibéremment du quartier environnant, conçu entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle selon des règles architecturales toutes différentes: immeubles contigus avec toitures portant lucarnes et pignons, façades marquées par la projection des balcons et les travées de leurs fenêtres en hauteur … Cette affirmation d’un travail contemporain, qui anéantit, tout en profitant, le contexte environnant, résulte d’une attitude pleine de suffisance. Qu’un tel contre-exemple d’intégration soit aujourd’hui présenté comme la voie à suivre, voilà qui bafoue non seulement l’avis de beaucoup de spécialistes du domaine, mais surtout une opinion publique qui n’a pas toujours les compétences pour trier le vrai du faux. C’est tenter de faire prendre des vessies pour des lanternes.
De même Patrimoine Suisse s’extasie sur la surélévation de la « dent creuse » (horrible expression qu’il faudrait bannir à jamais du vocabulaire urbanistique) de la Place du Cirque, les architectes ayant enfin réparé une erreur de l’histoire (quelle chance!). Il y avait là un immeuble fazyste très propre, accolé au dos du Victoria Hall, un immeuble d’un gabarit jugé trop faible. La surélévation s’imposait! C’est le vocabulaire du brise-soleil corbuséen (ou apparenté) qui fut choisi, rien que de très moderne pour assurer la transition entre les murs du XIXe siècle et la toiture jadis d’ardoise. L’immeuble est devenue désormais un hybride de plus, restauré (on ose employer le terme) dans sa partie ancienne visible (mais à quoi bon étant donnée l’ostentatoire et débordant étage apocryphe?), le tout peint en blanc et gris pour bien se démarquer des ocres, ocres beiges et beiges rosés qu quartier. Le standing a changé: tout est devenu très chic y compris le restaurant qui désormais occupe les vitrines du rez-de-chaussée.
Que faire d’autre qu’écrire pour dénoncer les dérives patrimoniales, les usurpations et un discours dominant? Devenu otage des architectes, qui entendent bien en profiter (dans tous les sens du terme), le patrimoine est présentement kidnappé à tous ses autres usagers pourtant tout autant légitimés: les amoureux de l’ancien dans son intégrité, qu’ils soient historiens, historiens de l’art, archéologues, connaisseurs, usagers de leur ville, passants, badauds, habitants. N’est-il pas temps de réagir et de faire entendre d’autres voix de nature à troubler le son univoque et dominant des SIA, FAS et autres INTERASSAR …?
puisque l’on parle avec autant de sentiment de « l’ancien dans son intégrité », le temps ne serait-il pas venu de combattre avec une même ardeur les OPA architecturales telles que celle qui s’abat depuis « quelque temps » sur notre Musée d’art et d’histoire,
discours publicitaires, racoleurs et opportunistes à l’appui ?
ce monument est devenu un otage… mais de quoi, exactement?
intéressante l’analyse… mais s’y risquerait-on ici ?
oui, parler vraiment, honnêtement, de ce genre de dérive patrimoniale
en examinant sans concession tous ses tenants
semble depuis quelques années déjà… plus qu’urgent…
mais le discours univoque, etc.
ne prédomine-t-il pas irrémédiablement
et … diablement
car ce « dossier » pourtant sensible, et on ne peut plus patrimonial, ne suscite apparemment pas autant d’indignation de la part de notre blogueuse pourtant si passionnée…
quand avec d’autres, qui s’époumonent sans le relais de ce blog si dynamique … pourtant tout aussi ardents défenseurs du patrimoine, nous devrions tous ici parler, courageusement et d’une même voix, du « monument genevois par antonomase »… auquel « on » s’apprête à faire subir d’irréparables outrages
un grand monument genevois du XXe siècle … et pas n’importe lequel…
mazette…
alors… que se passe-t-il ?
cet ancien-là… et son intégrité
seraient-ils d’une importance secondaire?
ou bien… deux poids… deux mesures ?
pourquoi ne pas ouvrir vraiment le débat sur cette question ? un vrai débat… évidemment… il faudrait un vrai courage…
et une vraie indépendance de vue…
mais le discours dominant…
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Bonjour,
Je me permets ici de vous faire part d’un article rédigé par mes soins concernant la politique du Ministère Public face aux affaires d’abus parental.
N’hésitez pas à le lire et à réagir librement sur son contenu, toute intervention est la bienvenue, l’objectif étant de créer un débat publique sur cette question d’importance.
Voici le lien : http://gregoiresapereaude.blog.tdg.ch/archive/2012/01/19/les-defaillances-de-la-protection-de-l-enfance-et-la-mauvais.html
Je vous souhaite une excellente continuation et bien du plaisir sur le blog de la Tribune de Genève.
Cordialement,
Grégoire.
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Je ne souscrit pas à tes considération intempestives à l’égard des acteurs culturels et militants dont tu semble faire le procès. Certes, les questions que tu poses existent, mais comme je viens de te le dire sur ton précédent billet « Genève, ville frelatée » il me semble que tu aurais mieux à faire et t’impliquant vraiment dans les combats ou les discussions qui se mènent à différent niveaux pour contribuer à d’autres équilibres. Ce n’est en tout cas pas l’historienne que nous te connaissions… A moins que ton besoin de régler quelques comptes idéologiques explique ton appel à créer une association conservatrice plus de l’histoire ancienne que celle qu’il nous faut faire dans notre condition contemporaine.
Dans la logique que tu proposes, il y a plus de fatalisme ou de découragement qu’un art d’espérer.
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Je mets un smiley clin d’oeil aux deux préopinants! A la première je dis: que sait-elle au juste de mon point de vue sur la surélévation du MAH dont les fantassins de Patrimoine suisse s’occupent si bien? Cet arbre qui cache la forêt … Au deuxième sur mon implication d’historienne: qu’il se rassure, elle est multiple. A tous deux: Keep cool! Le blog est un espace de liberté. Et si vous teniez le vôtre? Et à quand un débat tout public pour qu’on prenne la température des Genevois?
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en fait de débat… le référendum sera vraiment idéal pour cela…
quand à ta position.. justement si tu nous en parlais ? un jour le loup doit bien finir par sortir du bois…
signé: un fantassin de Patrimoine suisse
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