Le cabanon de Roquebrune Cap Martin

A un jet de pierres de Monaco et ses gratte-ciel et de Menton et la frontière italienne se trouve Roquebrune Cap Martin que Le Corbusier choisit d’élire comme lieu de villégiature. Le vieux village pittoresque, accroché à un rocher brun, surplombe l’anse dans laquelle l’architecte vint accoler son petit pavillon de vacances à la cabane de son ami Thomas Rebutato, tenancier d’une guinguette, joliment nommée l’Etoile de Mer. La construction en rondins de bois consiste en une pièce d’un peu plus de trois mètres sur trois, aménagée comme une cabine de bateau, avec vue imprenable sur la Méditerranée.

Le cabanon pour dormir et la cabane de chantier pour travailler, posée à quelques mètres de là, dans un jardin en pente et ses plantes méditerranéennes luxuriantes: voilà le domaine de vacances, ce « château sur la Côte d’Azur », « extravagant de confort, de gentillesse », dans lequel Corbu vint, année après année, passer son mois d’août, d’abord avec Yvonne, son épouse, et, après le décès de cette dernière, seul, jusqu’à sa noyade fatale de l’été 1965.

Pensée pour résoudre le problème des implantations littorales en attentant le moins posible au paysage, cette unité d’habitation minimale pouvait, dans l’esprit de son auteur, se combiner avec d’autres unités comparables. Réglé selon le Modulor, le cabanon fut initialement imaginé en bardage d’aluminium avant d’être revêtu de dosses de pin, mieux intégrées au site et dans l’esprit de l’Etoile de Mer voisine et des cabanons précaires des restanques marseillaises.

Le cabanon de Roquebrune

La cabane de chantier

Dans cette unité minimale de 16 m2 (3,66×3,66) Corbu déploya un trésor d’ingéniosité pour loger le lit, son oreiller de bois et ses tiroirs de rangement, la table pivotante à un pied, les placards intégrés jusque sous le plafond, le lavabo en inox. L’économie de cet aménagement est simplement parfaite.

Lit du cabanon et rangement

La modestie étudiée de la pièce, jusqu’aux lames du plancher peintes en jaune, évocation et tout à la fois antithèse de la Chambre de Van Gogh à Arles, donnent à réfléchir sur notre insensée et insatiable gloutonnerie d’espace. Les cinq étoiles et leurs salles de bains de 10 m2 qui se répandent irréversiblement le long de plages idylliques, les résidences de luxe qui gâchent et gaspillent les plus beaux paysages, une voracité qui ne s’arrête pas et à laquelle il semble si difficile d’opposer une ferme réponse.