Au pays des pharaons l’architecture contemporaine ne pèse pas lourd. « Coloniale », elle passe à la trappe malgré les travaux des chercheurs européens et égyptiens qui, depuis une bonne quinzaine d’années, s’efforcent de la valoriser. « Egyptienne », elle subit pareillement les assauts des bulldozers. Pourtant Le Caire peut encore être considéré comme la plus extraordinaire ville Art Déco au monde, mais jusqu’à quand?
Le patrimoine architectural du XXe siècle, synthèse de ce qu’il y eut de meilleur dans le monde occidental, marié à ce qu’il y eut de meilleur dans le monde oriental, épate l’amateur d’architecture. Car, lorsque les immeubles (moins que) séculaires n’ont pas fait l’objet de démolition sauvage, tout est souvent conservé dans les moindres détails: ferronneries des balcons et des portes d’entrées, batteries de boîtes aux lettres, vitrages anciens colorés ou cathédrale, ascenseurs Schindler d’époque et leur mécanisme, luminaires, stucs, etc.
Le palais Serageldin de Garden City sera-t-il sauvé?
C’est malheureusement comme si l’architecture post-islamique était considérée comme une sous-culture, une marchandise toujours négociable, qui n’a pas su trouver grâce aux yeux des responsables égyptiens. Au pays des pharaons, le plénipotentiaire Chef suprême des Antiquités a fort à faire d’exhumer de nouvelles momies (le-pharaon-business-de-zahi-hawass_777939.html) et le ministre de la culture (qui fait le peintre depuis des décennies, titre qui lui vaudra probablement de remporter la présidence de l’UNESCO…, mais, à l’heure qu’il est, l’élection semble plus difficile qu’on ne le pensait (election-sous-tension-a-l-unesco-hosni-conteste-mais-favori_788321.html; farouk-hosni-homme-culture-pouvoir-controverses; 20090919-autrichienne-ferrero-waldner-maintient-troisieme-tour-unesco-farouk-hosni-election-direction-generale)) ne se soucie guère de ce qu’il est convenu d’appeler patrimoine ailleurs qu’en Egypte. De sorte qu’aucune mesure digne de ce nom ne vient contrer les affairistes souvent venus du Golfe qui balaient sans état d’âme les beautés du Caire et d’Alexandrie, de l’Egypte entière pour faire de l’argent.
Extraordinaire structure de génie civil, la tribune de l’hippodrome d’Héliopolis,la ville
qu’on croyait protégée du baron Empain, survivra-t-elle à la démolition?
Que faut-il pour saisir les pharaons des temps modernes et qu’ils comprennent l’intérêt qu’il y a pour l’Egypte d’aujourd’hui, tant du point de vue touristique, que de celui de l’agrément de ses habitants, de soigner ces quartiers exemplaires que furent Héliopolis, Garden City, Maadi ou Zamalek au Caire, de réglementer la construction le long des quarante kilomètres de corniche de la baie d’Alexandrie, de protéger l’œuvre du génial architecte égyptien Hassan Fathy … ?
Une des unités villas d’Héliopolis cernée de toutes parts par les nouveaux gabarits
de la spéculation immobilière
L’heure est venue de créer une section Docomomo Egypte ! Aux architectes égyptiens sensibles à la cause du patrimoine de retrousser leurs manches et de s’atteler au projet d’une telle section qui, seule peut-être, pourra permettre de sauver ce qui reste des beautés inestimables des villes d’un pays, qui, au début du XXe siècle, fut le creuset du monde.
Il faudra un 4e tour d’élection à l’UNESCO lundi prochain. Et si on s’était trompé d’Egyptien? Il y a quelques années Ismaïl Serageldin, Directeur de la Bibliotheca Alexandrina, était candidat.
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