Tendances: architecture chimérique

 

 

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Il n’y a pas à se promener loin ni longtemps pour rencontrer des échantillons d’architecture chimérique. Une maison banlieusarde au détour d’un chemin graveleux genevois (le chemin des Voirons pour ne pas le nommer) flanquée d’un ajout en forme de caisson sur pilotis gris et brutal, un immeuble Art Nouveau à Montreux tout proche de la gare, décapité de son toit d’origine, et affublé d’un étage moderne, … des tours de passe-passe transformiste qui métamorphosent d’honnêtes bâtiments pourvus de tous leurs membres en femmes à barbe du cirque Barnum!

Selon la mythologie grecque Chimère était le produit difforme de deux monstres, Échidna et Typhon, à la fois munie d’une tête de lion et de celle d’une chèvre et agitant sa queue de dragon. Chimère terrosait alentours, vomissant des flammes et dévorant quiconque croisait son chemin.

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Le passant attentif, l’amoureux du patrimoine, l’homme sensible est tout pareillement terrorisé par les assemblages dissonants des architectes. Qu’est-ce qui meut donc aujourd’hui un homme de l’art (pour autant qu’il y ait architecte là-derrière) à intervenir sans égards (rücksichtlos!) sur des bâtiments qui n’ont rien demandé, rien provoqué? Qu’est-ce qui les meut à plaquer sur de modestes et charmantes maisons, conçues selon des règles d’un autre temps, des solutions contemporaines sans nuances ni compromis, de sorte à faire de l’objet de leur attention une architecture chimérique, mi-chèvre, mi-lion avec queue de dragon?
Alberti dans son livre X du De Architectura nous a pourtant si bien éclairé sur le concept de « concinnitas », cet art subtil de ramener la partie au tout et de faire en sorte que l’ouvrage architectural dans sa totalité obéisse à une forme d’harmonie. Nous sommes bien loin des principes de la Renaissance; l’époque s’ingénie au contraire à faire valoir les sigularités et les dissonances.
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