La philosophe américaine, Martha Nussbaum, dans son ouvrage Not for profit: Why democracy needs the Humanities (2010) livre un plaidoyer en faveur de l’enseignement des humanités dans un monde gouverné par l’économie. Elle y dénonce le déclin généralisé des lettres et des arts, domaines centraux autrefois, parce qu’à même de former des citoyens avertis et critiques dans nos sociétés démocratiques. Privée du grand projet de rénovation d’Unibastions, auquel le politique a cru bon surseoir à la fin de l’année 2013, la Faculté des Lettres de l’Université de Genève est à n’en point douter l’illustration même des injustices qui frappent de plein fouet les humanités de par le monde.
Insatisfaits de longue date de leurs conditions de travail et d’hébergement, des étudiant-e-s en Lettres ont constitué un groupe, intitulé Uni-Bastions qui a pignon sur web (http://unibastions.ch/). Ils expriment leurs justes doléances et regrettent d’être logés à si pauvre enseigne … alors que s’inaugurent des locaux tout neufs et parfois somptueux pour la médecine, les hautes études internationales, l’environnement … Ils énumèrent le manque d’entretien, l’inconfort, les nuisances de bâtiments historiques qui, s’ils étaient restaurés, pourraient être le fleuron de l’Université.
Livrés en grande pompe en 1878, les « Bâtiments académiques » vont-ils fêter leur siècle et demi d’existence en 2018, sans que rien ne soit entrepris pour leur sauvegarde et leur réhabilitation? Faute d’argent public, n’y a-t-il aucune mécène, dans une ville où circule tant d’argent, pour mettre la main au porte-monnaie, afin d’adoucir le quotidien de quelques 2000 étudiant-e-s ? Et de leurs enseignant-e-s et chercheur/ses?
Au contraire les bruits qui courent concernant l’avenir immédiat ont de quoi inquiéter davantage. Il y aurait du déménagement dans l’air et il va encore falloir se serrer la ceinture. Alors que quelques départements occuperont l’ancienne Ecole de Chimie, enfin rénovée après l’incendie de 2008, trois des quatre plus gros départements de la Faculté (français, histoire générale et histoire de l’art), soit 700 à 800 étudiant-e-s, verront leurs actuelles conditions péjorées: bibliothèques chahutées, bureaux transférés sans discernement, sans projet d’architecte, l’administration centrale disposant à l’aveuglette des locaux et du personnel pour raisons de stratégie et … d’économie … encore. De la disette à l’assassinat.
Soucieuse de ses rankings et de sa réputation internationale, l’Alma Mater doit surtout avoir les moyens d’offrir aux étudiant-e-s qui lui font l’honneur de venir y étudier des conditions d’enseignement et de recherche dignes de ce nom.