Pour bien commencer l’année, cet article paru dans Le Monde d’aujourd’hui sous la plume d’Edgar Morin, sociologue et philosophe. Né en 1921, est directeur de recherches émérite au CNRS, président de l’Agence européenne pour la culture (Unesco) et président de l’Association pour la pensée complexe.
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Quand un système est incapable de traiter ses problèmes vitaux, il se dégrade, se désintègre ou alors il est capable de susciter un meta-système à même de traiter ses problèmes : il se métamorphose. Le système Terre est incapable de s’organiser pour traiter ses problèmes vitaux : périls nucléaires qui s’aggravent avec la dissémination et peut-être la privatisation de l’arme atomique ; dégradation de la biosphère ; économie mondiale sans vraie régulation ; retour des famines ; conflits ethno-politico-religieux tendant à se développer en guerres de civilisation. //<![CDATA[ <!– <! <! // –> //]]>
La formation des sociétés historiques, au Moyen-Orient, en Inde, en Chine, au Mexique, au Pérou constitue une métamorphose à partir d’un agrégat de sociétés archaïques de chasseurs-cueilleurs, qui a produit les villes, l’Etat, les classes sociales, la spécialisation du travail, les grandes religions, l’architecture, les arts, la littérature, la philosophie. Et cela aussi pour le pire : la guerre, l’esclavage. A partir du XXIe siècle se pose le problème de la métamorphose des sociétés historiques en une société-monde d’un type nouveau, qui engloberait les Etats-nations sans les supprimer. Car la poursuite de l’histoire, c’est-à-dire des guerres, par des Etats disposant des armes d’anéantissement, conduit à la quasi-destruction de l’humanité. Alors que, pour Fukuyama, les capacités créatrices de l’évolution humaine sont épuisées avec la démocratie représentative et l’économie libérale, nous devons penser qu’au contraire c’est l’histoire qui est épuisée et non les capacités créatrices de l’humanité.
L’idée de métamorphose, plus riche que l’idée de révolution, en garde la radicalité transformatrice, mais la lie à la conservation (de la vie, de l’héritage des cultures). Pour aller vers la métamorphose, comment changer de voie ? Mais s’il semble possible d’en corriger certains maux, il est impossible de même freiner le déferlement techno-scientifico-économico-civilisationnel qui conduit la planète aux désastres. Et pourtant l’Histoire humaine a souvent changé de voie. Tout commence, toujours, par une innovation, un nouveau message déviant, marginal, modeste, souvent invisible aux contemporains. Ainsi ont commencé les grandes religions : bouddhisme, christianisme, islam. Le capitalisme se développa en parasite des sociétés féodales pour finalement prendre son essor et, avec l’aide des royautés, les désintégrer.
La science moderne s’est formée à partir de quelques esprits déviants dispersés, Galilée, Bacon, Descartes, puis créa ses réseaux et ses associations, s’introduisit dans les universités au XIXe siècle, puis au XXe siècle dans les économies et les Etats pour devenir l’un des quatre puissants moteurs du vaisseau spatial Terre. Le socialisme est né dans quelques esprits autodidactes et marginalisés au XIXe siècle pour devenir une formidable force historique au XXe. Aujourd’hui, tout est à repenser. Tout est à recommencer.
Tout en fait a recommencé, mais sans qu’on le sache. Nous en sommes au stade de commencements, modestes, invisibles, marginaux, dispersés. Car il existe déjà, sur tous les continents, un bouillonnement créatif, une multitude d’initiatives locales, dans le sens de la régénération économique, ou sociale, ou politique, ou cognitive, ou éducationnelle, ou éthique, ou de la réforme de vie.
Ces initiatives ne se connaissent pas les unes les autres, nulle administration ne les dénombre, nul parti n’en prend connaissance. Mais elles sont le vivier du futur. Il s’agit de les reconnaître, de les recenser, de les collationner, de les répertorier, et de les conjuguer en une pluralité de chemins réformateurs. Ce sont ces voies multiples qui pourront, en se développant conjointement, se conjuguer pour former la voie nouvelle, laquelle nous mènerait vers l’encore invisible et inconcevable métamorphose. Pour élaborer les voies qui se rejoindront dans la Voie, il nous faut nous dégager d’alternatives bornées, auxquelles nous contraint le monde de connaissance et de pensée hégémoniques. Ainsi il faut à la fois mondialiser et démondialiser, croître et décroître, développer et envelopper.
L’orientation mondialisation/démon-dialisation signifie que, s’il faut multiplier les processus de communication et de planétarisation culturelles, s’il faut que se constitue une conscience de « Terre-patrie », il faut aussi promouvoir, de façon démondialisante, l’alimentation de prox
imité, les artisanats de proximité, les commerces de proximité, le maraîchage périurbain, les communautés locales et régionales.
L’orientation « croissance/décroissan-ce » signifie qu’il faut faire croître les services, les énergies vertes, les transports publics, l’économie plurielle dont l’économie sociale et solidaire, les aménagements d’humanisation des mégapoles, les agricultures et élevages fermiers et biologiques, mais décroître les intoxications consommationnistes, la nourriture industrialisée, la production d’objets jetables et non réparables, le trafic automobile, le trafic camion (au profit du ferroutage).
L’orientation développement/envelop-pement signifie que l’objectif n’est plus fondamentalement le développement des biens matériels, de l’efficacité, de la rentabilité, du calculable, il est aussi le retour de chacun sur ses besoins intérieurs, le grand retour à la vie intérieure et au primat de la compréhension d’autrui, de l’amour et de l’amitié.
2. Les vertus génératrices/créatrices inhérentes à l’humanité. De même qu’il existe dans tout organisme humain adulte des cellules souches dotées des aptitudes polyvalentes (totipotentes) propres aux cellules embryonnaires, mais inactivées, de même il existe en tout être humain, en toute société humaine des vertus régénératrices, génératrices, créatrices à l’état dormant ou inhibé.
3. Les vertus de la crise. En même temps que des forces régressives ou désintégratrices, les forces génératrices créatrices s’éveillent dans la crise planétaire de l’humanité.
4. Ce à quoi se combinent les vertus du péril : « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve. » La chance suprême est inséparable du risque suprême.
5. L’aspiration multimillénaire de l’humanité à l’harmonie (paradis, puis utopies, puis idéologies libertaire /socialiste/communiste, puis aspirations et révoltes juvéniles des années 1960). Cette aspiration renaît dans le grouillement des initiatives multiples et dispersées qui pourront nourrir les voies réformatrices, vouées à se rejoindre dans la voie nouvelle.
L’espérance était morte. Les vieilles générations sont désabusées des faux espoirs. Les jeunes générations se désolent qu’il n’y ait plus de cause comme celle de notre résistance durant la seconde guerre mondiale. Mais notre cause portait en elle-même son contraire. Comme disait Vassili Grossman de Stalingrad, la plus grande victoire de l’humanité était en même temps sa plus grande défaite, puisque le totalitarisme stalinien en sortait vainqueur. La victoire des démocraties rétablissait du même coup leur colonialisme. Aujourd’hui, la cause est sans équivoque, sublime : il s’agit de sauver l’humanité.
L’espérance vraie sait qu’elle n’est pas certitude. C’est l’espérance non pas au meilleur des mondes, mais en un monde meilleur. L’origine est devant nous, disait Heidegger. La métamorphose serait effectivement une nouvelle origine.
Que de conneries, tout à fait adapté pour les bien-pensants de gauche en mal d’idéologies foireuses et défaitiste, qu’est ce que cela peut bien faire, si cette humanité disparait ?
Si l’humain est mauvais, il n’y aura que les plus mauvais pour regretter le vide qu’ils ont hypocritement fait grandir autour d’eux. Tant qu’a faire, quittons cette vie et cette planète qui nous a tout donné et à qui on a tous volé et spolié, mais s’ils vous plait, dans la dignité et non dans la complainte et les cris comme les habitants de Sodome et Gomorrhe.
Le mal ne vient que de nos âmes corrompues où l’avidité et le mensonge ont remplacés la félicité.
Voilà, acceptons ce destin, puisque nous l’avons façonné !
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Excellente réflexions basées sur des observations bien réelles.
Oui, l’être humain détient en lui un pouvoir de métamorphoser les éléments.
Actuellement, cela se voit à petite échelle mais dans beaucoup de lieu, sauf pour certains paramètres – encore peu nombreux il est vrai – qui se perçoivent au niveau international.
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Edgar Morin, un visionnaire. Heureusement, qu’il en existe.
Et le terme: Terre-Patrie, est une appellation intelligente, significative.
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Très beau texte, qui au demeurant, résume assez bien mon « Utopie Urgente », parue chez Slatkine en 2007. Petit à petit, l’idée d’un Etat-Monde, seule véritable réponse aux problèmes de l’humanité, fait son chemin. Cautionnée par des signatures de plus en plus prestigieuses. Reste à en convaincre les peuples citoyens qu’ils peuvent y parvenir en aiguillonnant leurs dirigeants par leurs bulletins de vote !
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Philippe Souaille,
« car il existe déjà sur tous les continents, un bouillonnement créatif, une multitude d’initiatives……
Il faut des hommes de bonne volonté. comme vous Philippe Souaille, pour ce renouveau.
Joyeuse année 2010
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Tiré du blog de Ludovic Monnerat :
Au siècle dernier, la démocratie a lutté avec succès contre le fascisme, le nazisme et le communisme, ces idéologies faisant de l’individu le rouage – ou la victime – d’un système autocratique et inhumain. En ce début de siècle, il apparait clairement que cette lutte est appelée à se poursuivre contre toute tendance dictatoriale, mais qu’elle s’applique à de nouveaux adversaires : l’islamisme bien sûr, sur le devant de la scène pendant toute la décennie, mais également le globalisme, la « gouvernance globale », cette conception supranationale visant à confier les décisions politiques et leur mise en œuvre à des organisations indépendantes des États comme des peuples. À la différence près que ce sont les dirigeants des États dits démocratiques qui cèdent aux sirènes du globalisme et abandonnent définitivement un pouvoir qui ne leur a été que temporairement délégué.
L’Organisation des Nations Unies est bien entendu au centre de cette conquête : les potentats locaux et régionaux l’instrumentalisent pour promouvoir leurs intérêts (Mugabe, Ahmadinejad ou encore Kadhafi), les pires tendances antisémites et anti-occidentales s’y expriment librement (comme lors de la conférence de Durban sur le « racisme »), mais elle s’entoure d’une aura de bénévolence et d’universalité qui désarme et séduit les bonnes âmes.
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Quelle belle démonstration de biens-pensants, ça dégouline de vide !
Pendant ce temps, le co2 n’a jamais autant coulé !
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@ oceane
Je soutiens pleinement votre point de vue!
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