Genève La Plage: grand projet ou triste brouillon?

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Qu’un casse-tête d’ordre pragmatique et conjoncturel, comme une solution à trouver aux rejets des déblais du très controversé CEVA jumelée aux besoins d’extension de la très haut de gamme Société Nautique, soit de nature à engendrer un méga-projet urbain pour Genève est symptomatique des temps dans lesquels nous vivons ! Le court-circuitage de toute réflexion fine et intelligente pour une solution à l’emporte-pièce d’un simplisme tout bonnement démagogique (qu’on dirait électoraliste, si Robert Cramer n’en avait fini de son quota de législatures …) Une belle plage, ou plus exactement des pelouses liserées d’une bandelette sablonneuse (même pas une plage), pour le grand public en lieu et place des embarcations stationnées au droit du quartier des Eaux-Vives, ténu vestige d’une activité portuaire ancestrale, pas dénué du tout de qualité et particulièrement fréquenté par ledit grand public. Le tout généré par les milliers de m3 de gravats excavés pour le creusement du CEVA, débarrassés ici à bon compte! Le lac renouant en fin de compte au XXIe siècle avec son rôle moyenâgeux de dépotoir et le Département du Territoire, dans une implacable logique ( !), augmentant et durcissant ses rivages à l’heure où se renaturent sous ses auspices-mêmes les cours d’eau genevois …

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De tout temps le rapport de Genève à son lac a été chose délicate. Située à l’émissaire du Rhône, installée à califourchon sur ce dernier, la ville du bout du lac n’a cessé d’entretenir des rapports amour-haine avec le plan d’eau : l’important ouvrage des Monuments d’Art et d’Histoire, auquel ont participé plusieurs historiens de l’architecture et de l’urbanisme genevois, paru en 1997 et intitulé « La Genève sur l’eau » a retracé l’essentiel de ces mouvements ; il serait bon en ce moment de grandes élucubrations pour la rade de s’y reporter pour se rafraîchir la mémoire et comprendre sur le long terme la sensibilité développée à l’encontre du site lacustre genevois, un site à vrai dire tout à fait exceptionnel, qui constitue à n’en pas douter l’un des atouts touristiques majeurs de Genève. Les prochaines Journées du Patrimoine seront du reste aussi l’occasion de se pencher au chevet de cette Genève sur l’eau en proie à d’incessantes attaques de tout ordre. Dans le même ordre d’idées, mais concernant un autre serpent de mer genevois, le Conseiller d’état David Hiler, du temps où il était historien, avait produit un excellent ouvrage intitulé « La traversée de la rade : serpent de mer des Genevois » (1996) qui recensait tous les projets élaborés puis rejetés pour d’improbables traversées de la rade.

Au cours de son histoire Genève n’a jamais cessé de former des projets de nature à remblayer le lac et le cours d’eau, particulièrement pour gagner des terrains à bâtir. Construction de quais en remplacement des berges inondables dès le XVIIe siècle, où se constitue la première Place Bel Air alors appelée place des Trois Rois. Grands projets de remblaiement de l’ingénieur Nicolas Céard, balayés d’un revers de manche dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, puis projets hygiénistes de l’ingénieur civil Guillaume-Henri Dufour réalisés durant la Restauration genevoise (c. 1830-1840), notamment la création du Grand Quai sur la rive gauche et du quai et du quartier des Bergues à l’emplacement des anciennes indienneries Fazy sur la rive droite. Genève allait se doter alors de « quais-promenades » dignes des capitales européennes, des quais rectilignes, tracés au cordeau dont on sent encore aujourd’hui l’intransigeant dessin ; de quoi faire tiquer les Théophile Gautier, les Victor Hugo et tous les romantiques stigmatisant Genève de « petit Paris de province », désormais privée de son charme de vieille ville pittoresque. Chaque remblayage s’accompagnait alors d’âpres négociations avec les riverains Vaudois qui redoutaient que tout resserrement de la nappe d’eau à Genève ne s’accompagnât d’une hausse du niveau des eaux du lac en amont et d’inondations sur leur propre territoire.

La discussion la plus âpre devait prendre place au début du XXe siècle lorsque l’extension du quai fut proposée entre le Jardin Anglais et le Port Noir (le périmètre incriminé pour La Plage). Un concours d’urbanisme fut organisé auquel devaient participer toutes les grandes agences du Canton. Alfred Olivet et Alexandre Camoletti remportèrent la palme sous la devise La Voile latine avec un projet Beaux-Arts d’un quai rectiligne avec rondeau. Le peintre Horace de Saussure, alors président de la Société d’Art public, devait réagir et nourrir avec quelques artistes de son temps un débat richement argumenté. Le Petit-Lac, joyau de Genève, fut comparé à une émeraude ou une turquoise sertie de ses quais, parcs et collines. Mais la « serte » ne devait point étouffer le joyau. Saussure proposa un contre-projet en « anses » et « promontoires » obéissant mieux aux contours naturels des berges lacustres.

Qui aujourd’hui a cette capacité à argumenter pour ou contre et comment ? Genève La Plage doit être soumis à la réflexion des spécialistes (architectes, urbanistes, paysagistes dotés de culture) éclairés par les considérations des historiens de l’urbanisme genevois : un vrai projet issu d’études fines et approfondies serait peut-être susceptible d’être pris en considération, mais en aucun cas un insolent brouillon mal ficelé.

 

 

Une réflexion sur « Genève La Plage: grand projet ou triste brouillon? »

  1. La préservation du patrimoine est certes nécessaire, mais à force de s’opposer à chaque modification du patrimoine actuel, dans 100 ans les historiens du patrimoine se désoleront ne n’avoir aucune patrimoine du XXIe siècle à protéger car rien ne se sera fait entre temps.
    N’oublions pas pas que cette rade actuelle, digne de protection, a été maintes fois remaniées et que si des conservateurs comme vous avaient à chaque fois ressortis leurs arguments, il y aurait toujours des marais à la place des quais.
    Vive la plage des Eaux-Vives, vive l’extension mineure de l’OMC, vice la traversée de la rade avec un pont. Les architectes d’aujourd’hui ne sont pas plus cons que ceux du siècle dernier et ils arrivent parfaitement à créer des espaces intégrés au patrimoine actuel !

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