Les projets de Marc Camoletti pour le palace de Gezirah au Caire

L’architecte Marc Camoletti, bien connu pour ses réalisations genevoises et sa participation à des concours internationaux, a projeté un morceau de ville sur les bords du Nil au début du XXe siècle. Rien de ce projet, conservé dans un carton sous le titre Projet d’hôtel pour l’île de Gesirah n’a pourtant été réalisé. L’important fonds d’archives Camoletti déposé aux Archives de l’Institut d’architecture de l’Université de Genève en 2005 et 2006 est une mine à exploiter. La carrière des Camoletti, qui, toutes générations confondues, ont marqué le visage de Genève, mérite d’être approfondie. Celle de Marc Camoletti (1857-1940) a fait l’objet de diverses études, dont un récent mémoire de licence en histoire de l’art, non publié à ce jour, de la part d’Anne Gueissaz. C’est l’ensemble de l’œuvre de cet important architecte qu’il faudrait maintenant étudier.

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Heureusement qualifié récemment de Paris sur le Nli, Le Caire moderne doit beaucoup au khédive bâtisseur Ismaïl, l’Haussmann cairote. Séduit par la capitale française qu’il visite lors de l’Exposition Universelle de 1867 le khédive décide de s’entourer d’experts étrangers et notamment français pour rénover Le Caire. En 1889, ruiné par sa folie constructive et démis de ses fonctions, l’ex khédive est contraint de vendre son palais de Gezirah. Deux le rachètent, en font un hôtel et constituent en 1892 la Egyptian Hotels Company. C’est pour le compte de cette dernière que Marc Camoletti est amené à dresser des projets. L’extraordinaire potentat de l’hôtellerie, le Suisse Charles Baehler, contrôle l’Egyptian Hotels Compagny dès 1904, et règne bientôt sur l’empire hôtelier égyptien. C’est très probablement à son initiative et par son intermédiaire que Camoletti est appelé à dresser le projet de démolition-reconstruction du palais d’Ismaïl. Le projet ne verra pas le jour : le fantôme du palais khédivial est aujourd’hui enserré dans le complexe de l’hôtel Marriott.

Le dossier Camoletti pour la Egyptian Hotels Compagny contient des plans de situation, plusieurs calques de grandes dimensions, des perspectives à vol d’oiseau (et leurs dessous) faisant état du quartier et des lointains, quelques plans et élévations du palace à construire. Le périmètre concerné par l’ensemble des projets est compris entre le Khedivial Sporting Club créé au début des années 1880 par le khédive Tewfik et l’axe à venir de l’importante artère du 26 Juillet. Le Khedivial Sporting Club est le lieu de divertissement des occupants anglais et de l’élite égyptienne, qui peuvent s’adonner, dans un cadre de verdure et de fleurs enchanteur pour Le Caire, au turf et aux activités sportives.

 

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Il paraît peu probable que Marc Camoletti se soit rendu au Caire. Il travaille à distance et est chargé, vraisemblablement entre 1907 et 1909, de faire des propositions d’urbanisation pour ce quartier en pleine mutation. Le dossier comprend différents calques pour un nouveau palace dans un contexte d’immeubles bourgeois : les projets oscillent entre de grandes visions MittelEuropa et des architectures situées à toits-terrasses. Deux tirages donnent à penser que Camoletti cède aussi aux sirènes de l’orientalisme, tout comme son frère John, qui, une douzaine d’années auparavant, traçait pour l’Exposition nationale de 1896 à Genève un très byzantin projet de palais des Beaux-Arts. La série de calques montre une évolution dans l’articulation du parcellaire avec plusieurs changements ; le pont n’est pas présent sur toutes les esquisses, l’ilotage évolue en même temps que la position du palace dans le quartier. Camoletti se heurte essentiellement à deux difficultés urbaines : la première est l’accrochage d’un système de rues rectilignes à l’artère courbe, « la Grande Avenue de Ghesireh » plantée d’arbres par Delchevalerie, en bordure du Sporting Club et au quartier de villas qui a déjà commencé à se développer; la seconde est l’invention d’un système de quais indispensable pour mettre le nouveau quartier à l’abri des crues du Nil. Formé dans la grande tradition académique française, Camoletti donne dans le monumentalisme architectural et urbain, ce que montrent ses dessins perspectifs : une interminable droite rectiligne tranche l’île dans l’axe du nouveau pont de Boulaq, des gestes d’escaliers et de rotondes, évoquant les programmes de concours de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, relient le système des quais au Nil.

perspective5b.jpgHormis les hésitations stylistiques, Marc Camoletti cherche longuement la meilleure implantation pour l’hôtel : du plan rectiligne au plan cassé à angle droit en passant par l’angle obtus. L’hôtel doit-il regarder en priorité vers le Nil, ce qui est le cas de l’hôtel Sémiramis en chantier sur la rive droite, ou, comme le palais du khédive Ismaïl, en direction du Khedivial Sporting Club et des Pyramides ? Les perspectives à vol d’oiseau montrent le mastodonte hôtelier dans toutes les positions. Les projets de reconstruction du Gezireh Palace ne verront pas le jour, quand bien même ils sont à la mesure des ambitieuses réalisations cairotes contemporaines. Changement de projets de Charles Baehler ? Trop de concurrence ? Des établissements de légende, qui attendent encore leur monographie, surgissent en effet durant la décennie qui précède la Première
Guerre mondiale. En 1907 l’hôtelier suisse Franz-Joseph Bucher-Durrer inaugure l’impérial hôtel Sémiramis, surnommé le « monstre du Nil », premier hôtel situé en bordure du fleuve. Sur le toit-terrasse de cet établissement légendaire, dont Charles Baehler se rendra propriétaire en 1910, dansera le gotha international ! Entre 1908 et 1910 s’édifie, à vingt kilomètres de là, dans la nouvelle ville d’Héliopolis, le Palace hôtel d’Héliopolis, le plus grand hôtel d’Afrique et du monde en son temps ; l’architecte belge du baron Empain, Ernest Jaspar, en collaboration avec Alexandre Marcel, autre élève de l’atelier de Jules d’André, conçoit un énorme et luxueux palais oriental.

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