Le peuple est appelé à se prononcer le 30 novembre sur la nouvelle Loi sur l’Université, une loi qui doit en substance donner plus d’autonomie à l’institution universitaire. Si le peuple est appelé à voter, c’est suite à un référendum initié par les étudiants au lendemain de l’adoption de ladite loi par le Grand Conseil, à la veille de la pause estivale. Un numéro hors série de la revue Courants, organe de la CUAE (voir lien ci-dessus) expose clairement les craintes estudiantines.
Les étudiants sont inquiets, et on les comprend, quant au peu de garanties données en matière de taxes universitaires, plafonnées jusqu’à présent à 500 frs par semestre. Ils craignent que l’Université de Genève ne perde le caractère démocratique qui est le sien pour s’aligner sur les modèles prestigieux d’Outre-Atlantique. Les taxes déjà perçues à l’Institut des Hautes études internationales et du Développement (3.000 frs pour un étudiant suisse par semestre et 5.000 frs pour un étudiant étranger) donnent un aperçu de ce que pourrait devenir demain l’ensemble de l’Université.
Les dispositions financières de la nouvelle loi, qui prévoit aussi de déplafonner les salaires des professeurs pour attirer les « grosses pointures », a pour prétention essentielle de permettre à l’Université de Genève de s’aligner au niveau des meilleures universités mondiales et de briller dans d’improbables rankings dont les critères mesurables sont plus de l’ordre du quantitatif que du qualitatif (lequel, il faut bien le dire, ne se mesure pas bien !). Et pour cela tous les moyens du monde ultra-libéral (à la chute duquel nous sommes probablement en train d’assister impuissants) sont bons.
L’excellence du monde universitaire serait à ce prix. Cette excellence de tous les superlatifs (à l’image de l’arrogance contemporaine), qui fait florès dans chaque argumentaire, qui surgit au détour de chaque discours officiel, cette excellence serait donc aliénée à l’argent ! Triste vérité qui nous rend nostalgiques de l’Université de papa, celle qui était la maison de tous les savoirs et où l’on aspirait à des valeurs platoniciennes, le Vrai, le Beau et le Bon. Cette université-là a eu ses savants et ses intellectuels (de Saussure, Piaget, Jeanne Hersch, Starobinski, …) plus adonnés à leur science qu’aucun universitaire aujourd’hui. Car l’étude, en nos temps incertains, est sacrifiée au réseautage, aux lourdeurs administratives, aux montages de dossiers pour décrocher de gros contrats de recherches et des mandats privés. Et ce n’est pas la nouvelle loi qui arrangera quoi que ce soit.
Alors le quidam qui va voter le 30 novembre sur la Nouvelle Loi de l’Université doit prendre le temps de réfléchir deux fois à la question. Va-t-il vraiment donner son blanc seing à une plus grande autonomie de l’Université ? Va-t-il entériner la libéralisation de l’institution au moment même où le monde subit de plein fouet la sévère débâcle d’un excès de libéralisme ?