Les Canaries sont connues plus pour leurs plages et leurs cieux cléments que pour leurs richesses artistiques. Fuerteventura la sauvage et la volcanique, paradis des surfeurs, mérite pourtant qu’on la considère aussi sous l’angle de son patrimoine culturel. Des paysages arides façonnés par la lave et l’érosion, semés de broussailles dans lesquelles paissent les chèvres, les habitants ont pourtant réussi à tirer le meilleur parti. L’arrière-pays est constellé de hameaux, à peine des villages, aux petites maisons blanches encadrées de chaînages sombres. Les propriétés sont entourées de murets de petites pierres volcaniques, qui servent aussi à couper le vent. Antigua, Betancuria, Tefia, Sta Ines … autant des localités historiques, articulées autour d’une église souvent baroque aux naïvetés insulaires d’un pays de bout du monde.
La cathédrale Santa Maria de Betancuria (localité fondée par le Normand Jean de Béthencourt au XVe siècle), reconstruite dans le courant du XVIIe siècle, a des dehors un peu patauds d’église « romane »; un clocher, chaîné de pierres rousses, la jouxte et domine l’entier du village. Le vaisseau comporte trois nefs couvertes de solides charpentes en bois sombre. Le maître autel daté entre 1684 et 1718, entièrement sculpté dans le bois dur, occupe tout le mur de chevet. Sa polychromie et ses dorures enchâssent des peintures de facture naïve et presque inattendues en un lieu si reculé. On attribue l’ouvrage à un maître nommé Francisco Hernandez.
Les implantations traditionnelles du centre de l’île contrastent infiniment avec les urbanisations maritimes qui criblent certaines parties des côtes. Là les projets se juxtaposent et se contredisent, sans concertation apparente, dans un esprit de surenchère qui nuit à la beauté des paysages. A Jandia où, dès les années 1960, se développa le tourisme des charters, les anciens équipements, pourtant encore en activité, ont été pris en étau par de nouveaux complexes. L’élégante Casa Atlantica, qui porte difficilement sa quarantaine d’années à cause de ses bétons carbonatés, s’est vue assiégée par un centre commercial dernier cri où l’on trouve, entre les cosmétiques Douglas et les boutiques des marques internationales Diesel and co, la pizzeria-ceveza für deutschen Kunden et un Mac Donald!
Quand bien même l’île comporte de grandes réserves naturelles protégées et le plus grand parc national de l’Espagne, il est à craindre que les appétits des promoteurs ne viennent à bout du paysage naturel et culturel de Fuerteventura.